mardi 23 juillet 2013

Point diaspora

Dublin est une ville très cosmopolite, ce qui est assez impressionnant vu sa relative petit taille (500 000 habitants, pour une capitale c'est pas tellement). Ça parle toutes les langues dans la rue, et il ne s'agit pas que des touristes.
Ça parle toutes les langues dans mon immeuble, dans le DART aux heures de pointe (oui, quand je suis en retard, que j'ai fait la fête lu mes classiques toute la nuit, je prends le DART pour aller travailler).

Ça parle espagnol, polonais, russe, tout plein de sortes d'anglais, italien, allemand un peu, tout ça. Et ça parle beaucoup français. Beaucoup beaucoup, si si, beaucoup.
Je ne cherchais pas forcément à fuir mais j'ai parfois l'impression que si c'était le cas je ne suis certainement pas allée assez loin.

De mon salon l'autre jour j'entends un murmure de conversation, ni des mots ni du sens, mais une intonation qui sonne très français. Je mets un moment à comprendre d'où ça vient. Ni télé ni radio d'allumée, j'envisage la possibilité d'être la nouvelle Jeanne d'Arc avant de comprendre que de la fenêtre entrouverte j'entends le voisin du dessous qui téléphone sur son balcon.
Je l'ai rencontré plus tard. Le gars est savoyard, a fait son primaire en Suisse, a une maman italienne, habite l'Irlande depuis plusieurs années et a aussi une manière très gay de s'exprimer et de marquer les intonations. Comment vous dire. C'est du français mais c'est coloré :o)
(la catégorie de gens qui parle une langue étrangère mais continue à dire "hein ?" à la fin des phrases).

À tous les coins de rue ça parle français, dans tous les magasins, les pubs, les restaurants.

Et ce matin donc, j'étais en retard et je décide de prendre le DART.
C'est très près de chez moi mais il faut quand même faire un détour pour passer par le hall avant de remonter tout le quai des "grandes lignes" pour arriver aux quais 5, 6 et 7 qui m'intéressent. J'ai quand même fini par trouver un semblant de raccourci sous la gare, avec un escalier qui amène directement dans le hall, escalier bouché ce matin par deux agents de l'Irish Rail avec leurs blousons de plastique orange fluo, bien moins pressés que moi à 8h25.

Deux agents en uniforme de la compagnie irlandaise des chemins de fers, mais parfaitement français tous les deux.

Plog.


J'ai fait du kayak dans la baie de Dublin le 14 juillet.
De l'île de Dalkey on a vu passer de jolis bateaux, vu le temps,
tout le monde était dehors.


Et le week-end du 6/7 juillet on était en Irlande du Nord, j'ai vu la Chaussée
des Géants ! Et d'autre trucs, faut que je vous raconte.

mercredi 10 juillet 2013

Samedi 22 juin, au concert avec Bryn Terfel

Je continue dans le désordre, y a pas de raison, quand on n'a pas de méthode il faut s'y tenir.

Ordoncques je vous avais déjà un peu alléchés en vous disant que j'allais faire un concert au National Concert Hall qui est LA salle de concert classique de Dublin (voui, on n'a pas tout à fait la même quantité de programmation et de choix qu'à Paris ou Berlin), avec le Concert Orchestra de la RTÉ qui est la télévision d'ici, nous (le chœur du Goethe Institut) et Bryn Terfel, ze famous baryton-basse.

On avait une générale ou pré-générale le vendredi soir dans les locaux de la RTÉ au sud-est de Dublin. Il y avait concert de Rihanna ce soir-là dans les parages, je vous raconte pas la circulation (je m'étais payé un taxi pour être sûr d'arriver vite au bon endroit. Le chauffeur a cru que j'étais quelqu'un de très important quand on lui a ouvert la barrière de la zone enclose des locaux de la radio.

On commence la répète avec l'orchestre (le Concert Orchestra est le deuxième orchestre de la radio-télé après le Symphony Orchestra) et le chef. On avait eu le mardi précédent en répétition un assistant qui nous avait préparés, avait repéré quelques fausses notes qui traînaient, nous avait prévenu des endroits glissants et de ceux où Terfel risquait de faire le clown.
Vendredi soir ze chef d'orchestre, Gareth Jones, excellent. Les quelques chefs (d'orchestre) que j'ai croisés jusque là n'étaient pas toujours très bons avec les chanteurs, et encore moins avec les chœurs amateurs - à leur décharge ils avaient aussi souvent des orchestres amateurs à diriger en même temps. Lui sait ce qu'il veut obtenir, sait comment le demander, connaît absolument tout par cœur y compris les paroles, le sens, l'accentuation, l'interprétation, probablement la façon dont Bryn Terfel interprètera tout ça aussi. On aura la preuve juste un peu plus tard qu'ils ont l'air très bons amis.

Les paroles, ça, ça m'épate. C'est le truc qui m'impressionne le plus. Je suis nulle pour retenir les paroles. Et les chanteurs d'opéra retiennent des actes et des actes de mots qui ne sont pas dans leur langue, ça me fascine. La musique je comprends, la hauteur, le rythme, les nuances, même les départs, je peux. La qualité de la voix, le souffle, le vibrato, le registre, la tessiture, bon, ça se travaille. Après on travaille plus ou moins et on est plus ou moins gâté par la nature et votre timbre plaît plus ou moins. Un peu comme les sportifs.
Mais les paroles... pfiou...

Bref. Le chef d'orchestre connaît toutes les paroles.

Pause. En revenant du Piémont des toilettes, je croise un grand monsieur dans l'escalier qui a l'air entouré d'autre personnes et je le dévisage innocemment en me disant tiens, j'ai déjà vu sa tête quelque part, il fait partie du chœur ? (je suis là depuis quatre semaines, je ne suis pas encore très au point).
Non, non, je connais son visage parce que c'est LUI, Mister Terfel devant moi in person. Il croise mon regard à ce moment-là et je ne trouve rien de mieux que de dire "Hello". "Hi" répond-il.
Bref : j'ai parlé à Bryn Terfel.

Deuxième partie de la répétition avec lui. Effectivement il fait le clown, siffle sur la fin d'un morceau, demande aux hommes de crier un "Oh !" et de lever le bras à la fin de l'air du Veau d'or, change les rythmes à chaque phrase sur It ain't necessarily so et grimace quand le chef nous dit que celui-là était trop foireux et qu'on fait comme sur la partoche, plutôt. Sinon on le suit. Et il finit par dire qu'on ferait bien d'avancer cette répet, il a des places pour Rihanna.

Samedi rendez-vous à 15h au National Concert Hall. Je connais mais je n'étais jamais entrée par l'entrée des artistes, qui est tout derrière.
Il y a des photos dédicacées d'artistes dont Lady Felicity, et la porte vers la salle de concert, qui s'écrit Stàitse en gaélique mais je ne jurerai rien sur la prononciation.
Terfel arrive un peu plus tard. La photo n'est pas terrible mais c'est juste pour montrer qu'il est vraiment grand : (à droite)




Le chœur est tout serré sur les bancs de velours vert autour de l'orgue, faire se déplacer des ténors pour décaler les altos et pouvoir asseoir deux sopranes supplémentaires est toujours un exercice d'autorité périlleux. L'inertie des masses (on est une grosse cinquantaine pour ce concert). La répétition se passe bien, finalement les femmes auront aussi le droit de chanter sur l'air extrait de Ruddigore de Gilbert et Sullivan, monument de la culture anglo-saxone de la fin de l'ère victorienne, un peu après Offenbach. Ouf, je l'aimais bien.



La répétition se termine vers 17h et on a plus de 2h à tuer avant de devoir être de retour, prêts pour le concert. Je sors du bâtiment avec une allemande et une irlandaise et on se dirige vers le très joli Iveagh Garden juste à côté pour attendre sur un banc au soleil. Mais il se met à pleuvoir et j'ai faim. Nous nous mettons en quête d'un café.
L'irlandaise a un petit parapluie noir à pois blancs et liséré de rose sous lequel nous nous serrons, et nous remontons la rue d'un pas martial en chantant à tue-tête le chœur des soldats du Faust de Gounod.
Gloire immortelle de nos aïeux, soit nous fidèle mourrons comme eux !


Il n'y avait pas beaucoup de gens dans cette rue et c'est bien dommage, vous avez raté quelque chose.

19h50, conformément à ce que j'ai vu jusqu'ici, tout est à l'heure, le chœur entre en scène (après avoir péniblement réussi à s'aligner en coulisse selon que l'on est assis à gauche ou à droite du clavier de l'orgue).
19h55 l'orchestre s'installe et s'accorde.
20h00 le chef entre.

- Orchestre : ouverture de la Force du Destin, Verdi
- Baryton et choeur : Udite, udite, o rusticiL'Elisir d'Amore, Donizetti
- Baryton : Son lo spirito che negaMefistofele, Boito
- Orchestre : ouverture de Don Giovanni, Mozart
- Baryton et choeur d'hommes : Le veau d'orFaust, Gounod
- Baryton : Schweig, SchweigDer Freishütz, Weber
- Choeur (d'hommes ?) : Choeur des soldatsFaust, Gounod
- Baryton et choeur : Te DeumTosca, Puccini

- Baryton : Credo in un dio crudeOtello, Verdi
- Orchestre : Danse Macabre, Saint-Saëns
- Baryton : Moritat von Mackie MesserDie Dreigroschenoper, Weill
- Baryton et choeur d'hommes : When the night wind howls, Ruddigore, Sullivan
- Orchestre : ouverture d'Orphée aux Enfers, Offenbach
- Baryton et choeur : It ain't necessarily so, Porgy and Bess, Gershwin.

- Bis : Stars, Les Misérables, Schönberg

Bryn Terfel entre donc pour la deuxième pièce du concert et est immédiatement applaudi par une foule en délire (je ne crois pas avoir jamais vu le Concert Hall aussi plein, je repère en tout une dizaine de places vides éparpillées). Pendant son solo, nous intervenons plus tard dans l'air, j'entends soudain la salle exploser de rire, qu'a-t-il bien pu faire ? Il a sorti un bouteille de bière de sa veste. Il prend son temps pour jouer avec, la décapsuler, il chante toujours, nous chantons, et puis il boit et fait un grand geste au chef pour que celui-ci fasse durer l'accord final de l'orchestre aussi longtemps qu'il y a du liquide à avaler dans la bouteille...
Un sacré amuseur.
Puis il offre la bouteille à un monsieur du premier rang, qui l'a je crois offerte ensuite à son voisin. Mais je ne sais toujours pas s'il l'a vraiment bue, ou s'il avait mis de l'eau dedans (pour les non initiés : se taper une bière au début d'un concert classique n'est PAS un très bon moyen d'assurer vocalement pour tout le reste - quoique).
Un ténor du chœur a été désigné volontaire pour chanter la ligne de
Spoletta. Il s'en est très bien tiré,  a fait un bon jeu de scène avec
Terfel évidemment, qui n'a pas oublié de l'encourager et le féliciter. 
Il présente les morceaux, est toujours applaudi à tout rompre, ils rient, ils pleurent, ils l'aiment... Les dames sont béates d'admiration et les messieurs tout ébaubis un peu pareil.
Il se retourne après nos interventions pour nous faire un clin d'œil ou une mimique d'approbation, c'est très agréable !
Il y avait donc l'ouverture d'Orphée aux Enfers dans la deuxième partie, qui présente plein de thèmes différents, très drôle de voir la tête des gens quand ils ont enfin reconnus le cancan final :o)
Voici l'opérette en entier sur YouTube, vous pouvez donc écouter le début pour voir à partir de quel moment des accords vous indiquent que vous allez finir sur l'air de cancan le plus connu de la planète (mes excuses je crois qu'il faut d'abord survivre à une pub).

Une très bonne version d'Orphée donnée en 1997 (je crois) à Lyon avec 
Dessay, Naouri, Fouchécourt, Beuron et plus dirigés par Minkowski.

Nous avons été honnêtement applaudi pour le Chœur des soldats, mais enfin rien à voir avec Bryn.

Lui a eu une standing ovation à la fin, a reçu un bouquet de fleurs, l'a offert à une dame du premier rang, a fait quelques allers-retours et est sorti sous le regard amoureux de 1200 personnes.

Bref, c'était pô mal :o)

Vacances d'été, reprise des répétitions le 27 août, les Vêpres de Monteverdi le 3 décembre.

(bon et en attendant faut absolument que j'appelle les profs de chant dont on m'a donné les numéros, je fous rien ça va pas du tout).