mercredi 30 juillet 2014

Et quid du gaélique ? (2)

J'en oubliai un peu sur la langue irlandaise :

L'hymne officiel de la République d'Irlande, Amhrán na bhFiann (attention, pas Ireland's Call qui est un hymne pour les compétitions sportives rassemblant le Sud et le Nord, où l'on ne peut donc pas utiliser l'hymne républicain), est en irlandais... et d'ailleurs tout le monde marmonne les paroles parce que ça maîtrise pas trop.

Plus rigolo, j'avais entendu deux irlandais d'une trentaine d'années dire que si si, ces années d'apprentissage scolaire et pénible du gaélique leur avait servi à quelque chose : lors de leur "gap year", en Australie, entre copains, vers la fin de la soirée au bar, ça servait à se mettre d'accord sans que personne ne comprenne sur qui draguait la blonde, qui la brune, qui la troisième. Tout en élégance.





Lors du week-end de Pâques j'étais allée dans le nord de Dublin à la reconstitution de la bataille de Brian Boru, à l'occasion du millénaire de la chose - on sait qu'elle a eu lieu lors du Vendredi Saint 1014. Grand affrontement dans l'histoire de l'Irlande entre deux rois qui prétendaient tous deux (à) régner sur l'ensemble du pays, et avaient chacun tout plein de mercenaires vikings dans leur armée.
Brian Boru est mort mais son armée a gagné, c'est ce qui compte.

C'était rigolo.

Avec un côté reconstitution historique et un côté fête foraine un peu plus loin.
A la fin les Vikings dégustaient des plats typiques pour se remonter.


jeudi 10 juillet 2014

Et quid du gaélique ?

A propos de la langue gaélique, qui est une langue celtique (indo-européenne, si si) de la même famille quoique différente que le breton, on pourrait dire Ô Dieu, bien des choses en somme.
Tout d'abord, on la désigne ici dans le langage courant par "l'irlandais" (irish) plutôt que "le gaélique".
Ensuite, les avis sont partagés. Certains vous diront que c'est une langue moribonde, voire morte, qu'elle n'est maintenue qu'à l'aveugle et par pure volonté politique, avec des stations de radio et de télévision qui parlent dans le vide, et que le président-poète Michael D. n'est qu'un doux rêveur. D'autres soutiendront qu'elle est encore couramment parlée, surtout dans l'ouest, sur les îles d'Aran par exemple, à l'ouest de Galway, ou bien vers Dingle, où la signalisation routière n'est faite qu'en irlandais, z'avez interêt à réviser avant de partir pour pas vous paumer.

Dans les irlandais que je connais, il y a mes colocs, dont l'un assure que son irlandais est inférieur à son français, qui n'est je confirme pas brillant. L'autre a dû bosser son irlandais à fond pour passer le concours d'instituteur, a cru même avoir raté l'épreuve. Finalement non, il est passé, a bossé dur toute l'année les différentes matières en plus de son travail habituel et part tout de même samedi prochain trois semaines dans le County Donegal dans un "camp" pour ne parler qu'irlandais :o)
L'irlandais est donc obligatoire pour être instit, et je crois pour tout un tas de job dans la fonction publique. Pourtant, dans le cas de mon coloc, ce n'est pas lui qui donnera les cours d'irlandais aux élèves, il est fort possible qu'il ne s'en serve pas du tout en cours, mais il faut qu'il passe l'examen, pour lequel il a donc dû réviser comme un fou car c'était au-desus du niveau qu'il avait acquis - à l'école justement.
Au choeur du Goethe Institut il y avait aussi ma copine Aoife, qui travaille dans le grand magasin Kilkenny sur Nassau Street. A l'époque, il fallait parler irlandais pour être engagé, mais ce n'est plus le cas. Elle raconte que certains clients s'adressent à elle et lui posent des questions en anglais puis commentent ses réponses en irlandais, persuadés qu'elle ne comprend pas (jeune, de Dublin). C'est légèrement gênant, quoique moins pour elle que pour ses collègues qui ne comprennent effectivement pas et qui se retrouvent dans une situation assez désagréable. Elle est née dans la banlieue sud de Dublin et a la petite trentaine. Comme quoi les bilingues ne sont pas tous dans l'ouest.
Des membres du choeur de la RTE m'ont expliqué que l'irlandais de Donegal est très différent de celui de Dublin ou de Tipperary, quel accent mes aïeux ! J'opinai en écarquillant les yeux.
Il existe des écoles all-irish où l'anglais a le quasi-statut de langue étrangère et qui sont souvent un gros choc initial pour les élèves, qui ne parlaient parfois qu'anglais à la maison, mais dont les parents veulent qu'ils maîtrisent l'irlandais.

Toute la signalisation est bilingue, dans l'aéroport, sur les bus, dans la rue, les noms des rues, les (quelques très rares) plans des lignes de DART.
Un peu moins à l'oral, dans les annonces du DART. Quoique, on en entend quand même.
On apprend peu à peu à reconnaître les mots qui sont de l'irlandais et sont donc à prononcer de manière très éloignée de leur orthographe. A peu près impossible d'en percer la logique, mais on est fier de savoir : Dun Laoghaire. Taoiseach, l'équivalent du premier ministre, qui veut s'y essayer ? Vous monsieur ? Non ! Vous ? Non !
Ti Choc. Comme Ti Punch un peu, mais choc.
 Une fois qu'on sait le prononcer, c'est bien, mais faut un jour l'écrire et on est bien emmerdé.

Pour mon boulot actuel, où je téléphone à plein de gens purs irlandais - ou presque tous - je découvre donc des noms et prénoms typiques, qui me déroutent parfois terriblement :
Aoife, Eoin, Deirdre, Sinead, Cliodhna...
Ma copine Aoife, donc, j'avais trouvé, à l'oral, le prénom suffisamment facile à retenir avant de le voir écrit. Ça se prononce [ifa]. En vrai.
Deirdre, un peu pareil, [dirdra]. On croit comprendre que la voyelle finale peut devenir a, comme ça, sans prévenir.
Eoin, le nom de mon coloc, se prononce comme le verbe "own".
Sinead, c'est [SinEd], c'est-à-dire "chinède". Après avoir chanté un peu en irlandais fin mai, j'ai découvert que la plupart des "s" dans l'orthographe se prononcent "ch".
Cliodhna donne [klina], bref, les voyelles c'est un peu du pif, on saupoudre à l'écrit et on dit autre chose à l'oral.
Un certain nombre de ses pronoms ont en plus une orthographe gaélique, encore un peu plus compliquée (ah ben oui, là c'est le truc soft) : Darragh pour Dar(r)a, qui est un prénom mixte, Eoghan pour Eoin... En anglais, on ne prononce pas tous ces -gh qui sont là pour donner une allure irlandaise à tous ces mots, donc ne vous laissez pas impressionner !
Mon nouveau préféré (ça a été Deirdre à un moment) m'est arrivé par la chorale. Je re-demande à une co-choriste son prénom que je n'ai toujours pas réussi à retenir - les noms propres, en plus étrangers, c'est mine de rien quelque chose de difficile à retenir, par définition ça ressemble souvent à rien de connu. Niv, me dit-elle.
Très bien, Niv, à rapprocher de Eve (qui se prononce en anglais Iv, donc), allez je vais m'en souvenir.
Et elle note son numéro de téléphone et son nom sur une brochure, son nom, qu'elle épelle n - i - a - m - h.
Si si, Niamh, en vrai.

Allez, après toute cette lecture pleine de pièges, un petit court-métrage irlandais qui parle de l'irlandais. Il ne s'agit pas de la meilleure performance d'acteur de l'histoire du cinéma, mais la réalité dépeinte est franchement véridique et l'histoire est très touchante, je vous le recommande chaudement :